Salarié désigné compétent

Le salarié désigné compétent. Le gardien de la sécurité au travail.

Depuis plus de dix ans, une disposition du Code du travail impose à toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, de désigner une ou plusieurs personnes compétentes pour s’occuper de la prévention des risques professionnels. Cette fonction, connue sous le nom de Salarié Désigné Compétent (SDC), reste pourtant largement méconnue… voire ignorée dans certaines structures.

Et c’est un vrai paradoxe : car derrière cette obligation réglementaire se cache une opportunité forte pour les employeurs. Celle de structurer une prévention à la fois plus efficace, plus réactive, et plus ancrée dans la réalité du terrain.

Le Salarié Désigné Compétent, ce n’est pas un expert HSE parachuté ni un consultant extérieur. C’est souvent un membre de l’équipe, un salarié volontaire ou désigné, formé pour jouer un rôle de relais prévention au sein de l’entreprise. Encore faut-il que son positionnement soit clair, ses missions bien définies, et que l’organisation lui donne les moyens de remplir ce rôle utilement.

Dans cet article, nous allons revenir sur :

  • le cadre légal de cette obligation ;
  • les missions réelles du SDC ;
  • le profil idéal à rechercher ou à former ;
  • et les bonnes pratiques d’accompagnement, pour que cette fonction ne soit pas qu’un affichage, mais devienne un levier de progrès pour toute l’entreprise.

Attention : cette désignation ne transfère en aucun cas la responsabilité de l’employeur en matière de santé et de sécurité au travail.
Le SDC n’est pas un “responsable sécurité” au sens juridique. L’employeur reste pleinement responsable de l’évaluation des risques, des mesures de prévention et de la protection des salariés.
Le SDC est un appui, un relais, un acteur de terrain, mais en aucun cas un bouclier.

Chapitre 1. Le cadre réglementaire

Depuis le 1er juillet 2012, l’article L.4644-1 du Code du travail impose à tout employeur de désigner une ou plusieurs personnes compétentes pour s’occuper des activités de protection et de prévention des risques professionnels dans l’entreprise.

Cette obligation s’applique à toutes les entreprises, sans distinction de taille, de secteur ou de statut juridique.

Deux options sont prévues par la réglementation :

  • Recourir à une compétence interne, en désignant un Salarié Désigné Compétent (SDC) ;
  • Faire appel à une compétence extérieure, comme un Intervenant en Prévention des Risques Professionnels (IPRP), lorsque les ressources internes ne permettent pas d’assurer cette mission efficacement.

Le choix d’une solution externe ne dispense pas l’employeur d’organiser la prévention dans l’entreprise. Il reste responsable des décisions, et doit s’assurer que la compétence mobilisée — qu’elle soit interne ou externe — est réelle, disponible et adaptée aux risques de l’établissement.

Un levier pour structurer la prévention

En pratique, le recours à un SDC permet souvent à l’entreprise de :

  • formaliser ses démarches de prévention ;
  • renforcer la proximité entre les équipes et les actions de sécurité ;
  • et mieux répondre aux attentes des instances de contrôle (Inspection du travail, CARSAT…).

Mais pour que cette désignation ait un réel impact, encore faut-il que le rôle du SDC soit clairement défini, reconnu, et soutenu dans l’organisation.

Chapitre 2. Quel est son rôle ?

Le Salarié Désigné Compétent n’est ni un juriste, ni un ingénieur sécurité. Son rôle n’est pas de se substituer à l’employeur, mais d’accompagner la mise en œuvre concrète de la prévention dans l’entreprise.

Autrement dit, il agit comme un relais interne, capable :

  • d’identifier les risques du quotidien,
  • de proposer des actions adaptées,
  • et de contribuer à faire vivre la culture sécurité auprès des équipes.

Ce rôle peut prendre des formes très différentes selon la taille, l’activité et la maturité prévention de l’entreprise. Dans une petite structure, le SDC peut gérer l’ensemble du suivi sécurité. Dans une plus grande, il viendra en appui d’un responsable HSE ou d’un IPRP, avec des missions ciblées.

Des missions variées, mais toujours tournées vers l’action

Concrètement, les activités du SDC peuvent inclure :

  • La participation à l’évaluation des risques professionnels (mise à jour du document unique, observations terrain…),
  • La proposition de mesures de prévention adaptées,
  • La contribution à la mise en œuvre du plan d’action sécurité ou QVCT,
  • La sensibilisation et l’information des salariés,
  • Le suivi des vérifications périodiques ou des EPI,
  • L’interface avec des partenaires externes (CARSAT, médecin du travail, inspection du travail…).

Ces missions ne sont pas figées par la loi : elles doivent être définies par l’employeur, en fonction des besoins de l’entreprise, et formalisées dans une lettre de mission.

Attention au piège du “pseudo-responsable”

Il est crucial de rappeler que le SDC n’est pas un responsable sécurité au sens hiérarchique ou juridique. Il ne prend pas de décisions réglementaires, n’a pas de pouvoir disciplinaire, et n’engage pas l’entreprise.

C’est un acteur de terrain, un facilitateur, un appui. Sa crédibilité repose autant sur ses connaissances que sur sa capacité à dialoguer avec ses collègues et à faire remonter les informations utiles.

Chapitre 3. Qui peut être désigné ?

La réglementation ne fixe aucun profil type pour devenir Salarié Désigné Compétent. C’est à l’employeur de désigner une personne volontaire, compétente ou à former, en fonction de la structure et de l’activité de l’entreprise.

Cela peut être :

  • un salarié de production ou de maintenance,
  • un responsable de site ou d’atelier,
  • un membre du CSE,
  • un encadrant intermédiaire (chef d’équipe, contremaître),
  • ou toute autre personne ayant une bonne connaissance du terrain et un intérêt pour les questions de sécurité.

Dans les très petites entreprises, il est fréquent que ce soit le dirigeant lui-même qui assume ce rôle, notamment en l’absence de personnel formé ou disponible.

Un choix à ne pas faire à la légère

Désigner un SDC, ce n’est pas cocher une case. Il ne s’agit pas de désigner “par défaut” le salarié le moins occupé ou le plus ancien.
La personne choisie doit :

  • avoir la légitimité nécessaire auprès de ses collègues,
  • faire preuve de bon sens, de rigueur et de pédagogie,
  • et bénéficier du temps, des moyens et du soutien nécessaires à l’exercice de sa mission.

L’importance du volontariat

Le volontariat n’est pas une obligation légale, mais dans les faits, c’est un facteur clé de réussite. Un salarié désigné contre son gré risque de :

  • ne pas s’investir dans le rôle,
  • être perçu comme une figure d’autorité malvenue,
  • ou être rapidement en difficulté face aux demandes du terrain.

Un entretien préalable entre l’employeur et le salarié pressenti est donc fortement recommandé, pour :

  • présenter les enjeux,
  • clarifier les attentes,
  • et s’assurer de l’adhésion à la démarche.

Chapitre 4. Faut-il le former ?

La réponse est claire : oui.

Même si la formation n’est pas obligatoire dans les textes, elle est fortement recommandée — et même indispensable — pour que le Salarié Désigné Compétent puisse exercer sa mission efficacement.

Pourquoi former le SDC ?

Parce que la sécurité ne s’improvise pas.
Un salarié motivé ne devient pas compétent par décret. Il doit acquérir les bases réglementaires, méthodologiques et pratiques de la prévention des risques professionnels.

La formation permet notamment de :

  • comprendre le cadre légal (responsabilité de l’employeur, obligations de l’entreprise, DUERP, etc.),
  • repérer les risques professionnels (physiques, chimiques, psychosociaux, organisationnels…),
  • savoir structurer un plan d’action,
  • savoir dialoguer avec les différents acteurs de la prévention (CSE, IPRP, services de santé au travail, etc.),
  • contribuer efficacement aux actions de sensibilisation et de suivi sécurité.

Une formation adaptée au contexte

La durée et le contenu de la formation doivent être adaptés :

  • à la taille de l’entreprise,
  • à son niveau de maturité en prévention,
  • aux missions confiées au SDC.

Il existe des formations courtes (2 à 3 jours) pour les petites structures, et des parcours plus approfondis pour les SDC ayant un rôle élargi.

Certaines branches professionnelles ou OPCO proposent des dispositifs de prise en charge financière, parfois intégrés à des parcours certifiants ou qualifiants.

Former, mais aussi accompagner

La formation initiale est essentielle, mais elle ne suffit pas. Il est utile de prévoir :

  • un accompagnement terrain (par un IPRP, un consultant ou un référent expérimenté),
  • un accès à la documentation sécurité,
  • des temps réguliers de retour d’expérience ou de veille.

Un SDC formé, soutenu et reconnu, c’est un levier précieux pour faire progresser la culture prévention dans l’entreprise.

Chapitre 5. Que faut-il lui donner pour qu’il réussisse ?

Désigner un salarié compétent ne suffit pas : encore faut-il lui donner les moyens d’exercer sa mission efficacement.

Trop souvent, le SDC est nommé sans explication, sans formation, sans temps dédié ni légitimité reconnue. Résultat : une fonction symbolique, peu utile, et parfois vécue comme une contrainte par le salarié comme par l’employeur.

Pour que le SDC soit un véritable acteur de la prévention, il a besoin de trois leviers essentiels : du temps, des moyens, et du soutien.

1. Du temps

Le SDC ne peut pas exercer cette mission “en plus du reste”, sans espace dédié.
Cela ne veut pas dire qu’il faut un poste à temps plein, mais que :

  • ses missions doivent être planifiées,
  • son temps de travail doit intégrer ces actions,
  • et son implication ne doit pas reposer uniquement sur du bénévolat ou de la bonne volonté.

2. Des moyens

Le SDC a besoin d’un minimum de ressources pour agir :

  • accès aux documents de prévention (DUERP, consignes, fiches sécurité…),
  • outils de suivi (tableaux de bord, formulaires, signalements…),
  • possibilité de participer à des réunions ou formations liées à la sécurité,
  • contacts avec les bons interlocuteurs (CSE, IPRP, médecine du travail…).

Ces moyens doivent être proportionnés à ses missions et à la taille de la structure.

3. Du soutien

Un SDC ne doit pas être isolé. Il doit être soutenu par la direction, reconnu par ses collègues, et accompagné dans sa montée en compétence.

Ce soutien passe par :

  • une lettre de mission claire,
  • une communication interne qui valorise son rôle,
  • et un suivi régulier avec l’employeur ou un référent pour ajuster ses missions.

En résumé : désigner un SDC, c’est bien. Lui donner les moyens de réussir, c’est faire de cette obligation une opportunité d’amélioration concrète de la sécurité et de la prévention dans l’entreprise.

Conclusion :

Longtemps considéré comme une simple formalité, le Salarié Désigné Compétent peut aujourd’hui devenir un véritable pilier de la prévention dans les entreprises, en particulier les plus petites.

Encore faut-il que cette désignation soit prise au sérieux :

  • avec une lettre de mission claire,
  • une formation adaptée,
  • et des moyens concrets pour agir.

Le SDC n’est pas là pour remplacer l’employeur, ni pour endosser des responsabilités qui ne sont pas les siennes. Il est là pour contribuer, alerter, proposer, structurer, au plus près du terrain.

Pour l’entreprise, c’est une chance : celle d’avoir un relais interne, capable de faire vivre la culture sécurité au quotidien.
Et pour le salarié, c’est une reconnaissance : celle de son engagement, de sa vigilance et de sa capacité à être acteur de la prévention.

Transformer une obligation réglementaire en levier d’action efficace, c’est exactement ce que permet ce dispositif… à condition d’y croire, de l’accompagner, et de le faire vivre.

Références et ressources utiles

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