Installations classées (ICPE) : tout ce que vous devez savoir
Introduction
Les installations industrielles, logistiques ou agricoles sont susceptibles d’engendrer des impacts significatifs sur l’environnement et la santé humaine. Afin de prévenir ces risques, la réglementation française s’appuie sur un dispositif structurant : celui des installations classées pour la protection de l’environnement, ou ICPE.
Ce cadre juridique organise l’encadrement des activités potentiellement dangereuses selon leur nature, leur intensité et leur finalité. Il constitue un pilier du droit de l’environnement industriel.
Cet article présente les fondements de ce régime, ses mécanismes de classement, les acteurs impliqués et les objectifs poursuivis, en apportant une lecture approfondie et structurée du dispositif ICPE.
Le sigle ICPE désigne toute installation industrielle, agricole ou commerciale susceptible de générer des nuisances ou des risques pour l’environnement ou la santé publique. Cela inclut les émissions polluantes (dans l’air, l’eau ou le sol), les nuisances sonores ou olfactives, les risques d’incendie ou d’explosion, ainsi que le stockage ou l’utilisation de substances dangereuses.
Les types d’activités concernés sont nombreux. À titre d’exemple, relèvent du régime ICPE :
- les installations chimiques mettant en œuvre des substances classées dangereuses,
- les entrepôts logistiques assurant le stockage de matières combustibles ou toxiques,
- les installations de traitement ou de valorisation de déchets,
- les exploitations agricoles recourant à des intrants phytosanitaires.
Le classement ICPE repose sur une logique de prévention graduée. Plus l’activité présente de risques potentiels, plus les exigences réglementaires sont élevées. Ce régime impose notamment aux exploitants :
- de déclarer leur activité ou de solliciter une autorisation administrative préalable,
- de respecter des prescriptions techniques fixées par arrêté ou par la réglementation nationale,
- de se soumettre à des contrôles périodiques assurés par les services compétents.
II. ICPE : comment sont-elles classées ?
Les ICPE sont répertoriées dans une nomenclature réglementaire fixée par décret. Chaque activité ou substance concernée est identifiée par une rubrique numérotée. Le niveau de classement est déterminé en fonction de la nature de l’activité, des quantités en jeu et de la dangerosité des substances impliquées.
Trois régimes sont définis :
- Déclaration
Ce régime concerne les activités présentant un risque faible. Une simple déclaration en préfecture est requise. Des prescriptions générales, fixées par arrêté ministériel, s’appliquent automatiquement. - Enregistrement
S’applique aux installations présentant un risque modéré. L’exploitant doit déposer un dossier technique démontrant la conformité aux prescriptions nationales. Le silence de l’administration vaut acceptation. - Autorisation
Réservée aux activités à risque significatif. Elle impose la réalisation d’une étude d’impact environnemental, une consultation du public et une instruction approfondie du dossier par les services de l’État.
Exemple – Rubrique 4331 (liquides inflammables, catégories 2 ou 3)
- De 50 à 100 tonnes : déclaration contrôlée ;
- De 100 à 1 000 tonnes : enregistrement ;
- Au-delà de 1 000 tonnes : autorisation.
III. Les grandes familles de rubriques ICPE
La nomenclature est structurée en quatre ensembles principaux :
- Rubriques 1000 – Substances
Elles visent le stockage ou l’usage de substances dangereuses, identifiées par leurs propriétés physico-chimiques (ex. : gaz sous pression, liquides inflammables, solides comburants). - Rubriques 2000 – Activités
Elles couvrent les procédés ou opérations industrielles ou agricoles pouvant générer des nuisances environnementales, indépendamment des substances utilisées. - Rubriques 3000 – Installations soumises à la directive IED
Ces rubriques concernent les installations visées par la directive européenne sur les émissions industrielles (2010/75/UE). Elles sont soumises à des obligations renforcées en matière de prévention des pollutions.
4. Rubriques 4000 – Substances et mélanges dangereux
Introduites en 2015, ces rubriques sont fondées sur la classification des substances selon le règlement CLP (Classification, Labelling and Packaging). Elles permettent une prise en compte actualisée des dangers pour la santé humaine et l’environnement.
IV. Le classement Seveso
Les établissements ICPE susceptibles de provoquer des accidents majeurs du fait des quantités importantes de substances dangereuses présentes peuvent être classés Seveso. Ce dispositif résulte de la directive 2012/18/UE, dite “Seveso III”, adoptée à la suite de la catastrophe industrielle de Seveso (Italie, 1976).
Deux niveaux de classement sont définis :
Seveso seuil bas
Ce niveau requiert la mise en œuvre de mesures spécifiques de prévention, d’information du public et de coordination avec les autorités locales.
Seveso seuil haut
Ce niveau impose des exigences accrues, parmi lesquelles : une étude de dangers détaillée, un plan d’opération interne (POI), un plan particulier d’intervention (PPI) et une information systématique des riverains.
Exemple – Rubrique 4331
- 1 000 tonnes : autorisation ICPE (non Seveso) ;
- 5 000 tonnes : Seveso seuil bas ;
- 50 000 tonnes : Seveso seuil haut.
V. Les acteurs du dispositif ICPE
La préfecture constitue l’autorité administrative compétente. Elle instruit ou valide les procédures de déclaration, d’enregistrement ou d’autorisation, prononce les mises en demeure en cas de non-conformité et édicte les prescriptions spécifiques.
La DREAL (Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement) est chargée de l’instruction technique des dossiers, des inspections sur site et du suivi de la conformité réglementaire. Elle joue un rôle de contrôle, mais aussi d’accompagnement auprès des exploitants.
L’exploitant reste, en toutes circonstances, responsable de la conformité de son installation. Il lui revient d’assurer la mise en œuvre des prescriptions, de garantir la traçabilité des actions de maintenance et de prévention, et de signaler sans délai tout événement susceptible d’impacter la sécurité ou l’environnement.
Conclusion
La réglementation relative aux installations classées constitue un levier essentiel de maîtrise des risques industriels et environnementaux. Elle repose sur une logique proportionnée : adapter le niveau d’exigence au degré de dangerosité des activités.
En imposant un cadre normatif, une transparence administrative et un contrôle indépendant, le dispositif ICPE contribue à concilier performance industrielle, sécurité des populations et préservation des écosystèmes. Il s’inscrit dans une démarche plus large de responsabilité sociétale des acteurs économiques.
Pour aller plus loin
Pour celles et ceux qui souhaitent approfondir la compréhension du régime ICPE ou explorer ses ramifications réglementaires, techniques ou historiques, plusieurs ressources de référence sont disponibles :
Textes et bases réglementaires :
- Code de l’environnement, Livre V, Titre Ier (articles L.511-1 et suivants)
- Nomenclature des ICPE : https://aida.ineris.fr (rubrique ICPE)
- Directive européenne 2012/18/UE dite Seveso III
Outils pratiques :
- GEREP : télé-déclaration des émissions polluantes
- BASOL, BASIAS : bases de données des sites pollués ou anciens sites industriels
- Géorisques : cartographie des installations ICPE et des sites Seveso (https://www.georisques.gouv.fr)
Ouvrages et rapports :
- Guide technique de l’INERIS sur l’évaluation des risques technologiques
- Documentation du BARPI (Bureau d’Analyse des Risques et Pollutions Industriels)
Approfondir le cadre ICPE, c’est non seulement mieux comprendre les responsabilités qui en découlent, mais aussi renforcer la culture du risque et l’anticipation au sein des organisations concernées.