DUERP : comment remplir et mettre à jour votre document unique en 5 étapes simples
Quand on parle de DUERP, beaucoup de dirigeants de petites entreprises soupirent : “Encore un document administratif obligatoire…”. Pourtant, le Document Unique d’Évaluation des Risques Professionnels est bien plus qu’une formalité. C’est un outil simple qui permet de protéger ses salariés, d’anticiper les problèmes et même de sécuriser son entreprise sur le plan juridique.
L’obligation de rédiger un DUERP ne date pas d’hier : elle a été instaurée par le décret du 5 novembre 2001. Depuis, toutes les entreprises employant au moins un salarié doivent formaliser leur évaluation des risques. La loi 2021-1018 du 2 août 2021 est venue renforcer ces exigences, notamment en matière de mise à jour, de traçabilité et d’accessibilité.
Mais attention : la réglementation n’impose pas de suivre une méthode compliquée avec douze critères techniques. Elle demande une chose simple : chaque employeur doit évaluer ses risques et les consigner dans un document unique. Cela veut dire que le DUERP doit être le vôtre, adapté à votre activité, à vos salariés et à vos réalités quotidiennes. Copier-coller un modèle tout fait ou reproduire à l’identique le DUERP d’une autre entreprise n’aura aucun intérêt pour vous.
Avec une méthode claire et quelques outils pratiques, il est tout à fait possible de réaliser un DUERP utile, vivant et adapté à la taille de votre structure.
Dans cet article, je vous propose un mode d’emploi simple en 5 étapes, spécialement pensé pour les dirigeants de TPE/PME et les responsables RH, afin de transformer cette obligation en véritable levier de prévention et de sérénité.
1. Le DUERP en clair : à quoi ça sert vraiment ?
Le DUERP, c’est le Document Unique d’Évaluation des Risques Professionnels. Derrière ce nom un peu lourd, l’idée est en réalité très simple : lister les risques qui existent dans votre entreprise, puis décider comment les réduire.
Pas besoin d’un jargon compliqué : c’est un tableau qui répond à trois questions très concrètes :
- Quels sont les dangers dans mon entreprise ?
- Quels sont les plus graves ou les plus probables ?
- Qu’est-ce que je mets en place pour les éviter ?
Et pourquoi est-ce obligatoire ? Parce que depuis 2001, l’État considère que chaque employeur, même avec un seul salarié, doit protéger ses équipes en identifiant les risques. La loi du 2 août 2021 a d’ailleurs renforcé cette obligation : mise à jour annuelle, conservation du document, accessibilité facilitée…
Mais au-delà du côté légal, le DUERP sert surtout à ça :
- éviter qu’un salarié tombe d’une échelle,
- réduire les troubles musculo-squelettiques liés aux charges,
- prévenir les RPS (stress, surcharge, conflits),
- anticiper un incendie ou un accident de circulation en mission.
👉 Autrement dit : le DUERP, ce n’est pas un “papier pour faire plaisir à l’inspecteur du travail”. C’est votre mode d’emploi maison pour travailler en sécurité et dormir tranquille en tant que dirigeant.
2. Pourquoi c’est indispensable pour une petite entreprise ?
On pourrait se dire : “Tout ça, c’est pour les grandes entreprises, pas pour moi avec mes 5, 10 ou 20 salariés…”. Faux. Les statistiques sont claires : les TPE et PME sont les plus exposées aux accidents du travail. Pourquoi ? Parce qu’on a souvent moins de moyens, moins de procédures écrites… et qu’on compte beaucoup sur le bon sens du terrain.
Pourtant, un seul accident peut coûter très cher :
- un salarié blessé = arrêt de travail, remplacement à gérer, perte de productivité,
- un accident grave = enquête, responsabilité du dirigeant engagée, image de l’entreprise écornée,
- sans compter la hausse des cotisations AT/MP.
Et ce n’est pas seulement une question d’argent. Un accident ou une maladie professionnelle, c’est aussi :
- de la fatigue et de l’inquiétude dans l’équipe,
- une perte de confiance des salariés (“si ça m’arrive à moi demain ?”),
- et parfois, un client qui se détourne d’une entreprise jugée “pas assez sérieuse” sur la sécurité.
Voilà pourquoi le DUERP est indispensable :
- il vous protège juridiquement,
- il réduit vos coûts cachés,
- et surtout, il crée un climat de confiance dans lequel vos salariés travaillent mieux.
3. Comment construire son DUERP en 5 étapes simples
Le DUERP peut impressionner au départ, mais en réalité, c’est surtout une démarche logique : observer, comprendre, classer et agir. Voici comment procéder, étape par étape.
3.1. Constituer une petite équipe
Même dans une TPE, il vaut mieux ne pas le faire seul. Associez au moins :
- un représentant de la direction (vous, en tant que dirigeant, ou un manager de proximité),
- un ou deux salariés volontaires, qui connaissent bien le terrain.
Pourquoi ? Parce que les salariés voient souvent des risques que le dirigeant ne perçoit pas. Leur implication rendra le document plus crédible et plus concret.
👉 Exemple : dans une petite entreprise de nettoyage, ce sont les agents qui savent que certains produits dégagent des vapeurs fortes ou que certaines positions de travail provoquent des douleurs.
3.2. Observer et identifier les risques
C’est l’étape la plus importante. Faites un tour complet de l’entreprise et posez-vous la question : “Qu’est-ce qui pourrait blesser ou fatiguer un salarié ici ?”.
Sources d’informations à exploiter :
- vos observations directes (ex. : sols glissants, câbles au sol, bruit, éclairage insuffisant),
- les retours des salariés (“on se cogne toujours à cet angle de table”),
- les données existantes (accidents passés, arrêts de travail, rapports du médecin du travail, interventions de la CARSAT).
👉 Astuce : pensez aux situations normales, mais aussi aux situations exceptionnelles (travaux de maintenance, pannes, pics de production).
3.3 Évaluer et hiérarchiser les risques
Tous les risques ne se valent pas. Un petit désordre dans un bureau n’a pas la même importance qu’un stockage instable de produits chimiques.
Méthode simple :
- Gravité (de 1 = bénin à 4 = très grave, accident mortel possible).
- Probabilité (de 1 = rare à 4 = fréquent).
- Multipliez les deux = priorité d’action.
👉 Exemple :
- “Sol mouillé dans l’atelier” : Gravité 3 (blessure possible), Probabilité 3 (fréquent) → Score = 9 → priorité élevée.
- “Éclairage un peu faible dans les bureaux” : Gravité 1, Probabilité 2 → Score = 2 → à améliorer mais non urgent.
3.4. Rédiger le document
Le DUERP se présente généralement sous forme de tableau. Inutile de chercher compliqué. Un modèle simple avec 4 colonnes suffit :
- Unité de travail (bureau, atelier, chantier, camion, etc.)
- Risque identifié (chute, bruit, stress, chimique, etc.)
- Évaluation (gravité × probabilité)
- Action prévue (formation, achat d’équipement, organisation différente, etc.)
👉 Exemple concret :
- Unité : Atelier de menuiserie
- Risque : Poussières de bois
- Évaluation : Gravité 3, Probabilité 3
- Action : Installation d’un système d’aspiration d’ici 6 mois + masques adaptés.
3.5. Définir et suivre un plan d’action
Le DUERP n’est pas qu’une photo des risques : il doit montrer ce que vous faites pour les réduire. C’est ce plan d’action qui prouve votre sérieux en cas de contrôle ou d’accident.
Conseils pratiques :
- Priorisez : commencez par les risques les plus élevés.
- Rendez les actions concrètes et datées (“installer barrière de sécurité d’ici juillet” plutôt que “sécuriser la zone”).
- Désignez un responsable pour chaque action (vous, un salarié, un prestataire).
- Vérifiez régulièrement l’avancement (réunion mensuelle ou point rapide avec les salariés).
👉 Exemple : si le risque identifié est “chute de hauteur sur échelle”, le plan peut être :
- Acheter une plateforme sécurisée (action immédiate).
- Former les salariés à son utilisation (sous 1 mois).
- Interdire l’usage des vieilles échelles (action immédiate).
👉 En suivant ces 5 étapes, vous obtenez un DUERP clair, adapté à votre entreprise et reconnu comme valable en cas de contrôle. Et surtout, vous réduisez vraiment les risques pour vos salariés.
🔎 À garder en tête : les 9 principes généraux de prévention
Le Code du travail (article L.4121-2) fixe neuf grands principes que tout employeur doit respecter :
Éviter les risques
Évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités
Combattre les risques à la source
Adapter le travail à l’homme
Tenir compte de l’évolution de la technique
Remplacer ce qui est dangereux par ce qui ne l’est pas ou moins
Planifier la prévention
Donner la priorité aux protections collectives sur les protections individuelles
Donner les instructions appropriées aux travailleurs
Ces principes constituent la philosophie générale du DUERP : votre plan d’action doit toujours s’en inspirer.
Vous pouvez consultez notre article sur les 9 principes de prévention ici !
4. Les outils qui vous simplifient la vie
On imagine souvent que le DUERP demande un logiciel coûteux ou des compétences d’ingénieur sécurité. En réalité, de simples outils gratuits ou très accessibles suffisent pour la majorité des petites entreprises.
4.1. Le bon vieux tableau Excel (ou Google Sheets)
Un simple fichier tableur fait très bien l’affaire. Vous y créez vos colonnes : unité de travail, risque, gravité, probabilité, action prévue, responsable, délai.
Avantage : personnalisable à 100 %, facile à partager avec vos salariés ou votre expert-comptable/consultant.
4.2. Les modèles gratuits disponibles en ligne
L’INRS, les CARSAT ou les services de santé au travail proposent souvent des modèles de DUERP téléchargeables. Vous n’avez qu’à les adapter à votre activité. Exemple : l’INRS propose un kit pratique avec une grille d’évaluation simple et des listes de risques types (bruit, chutes, manutentions, RPS, etc.).
4.3. OiRA, l’outil en ligne de l’INRS
L’INRS met gratuitement à disposition un outil interactif pour les TPE/PME : OiRA (Online interactive Risk Assessment).
Il permet de :
- identifier vos risques en suivant un parcours guidé adapté à votre secteur,
- générer automatiquement un DUERP conforme,
- et construire un plan d’action simple et priorisé.
Vous pouvez le découvrir et l’utiliser ici : OiRA — Outils d’évaluation des risques pour les TPE/PME (INRS)
4.4. Les check-lists terrain
Avant de remplir le DUERP, une simple liste de contrôle terrain est très utile. Exemple :
Sols glissants ?
Postures contraignantes ?
Produits chimiques mal stockés ?
Risque psychosocial (stress, surcharge, isolement) ?
Ces check-lists peuvent être construites maison ou récupérées auprès de votre service de santé au travail. Elles permettent de ne rien oublier lors de l’observation.
👉 Astuce : combinez vos check-lists avec une démarche type Gemba Walk (empruntée au Lean Management). Cela consiste à aller régulièrement voir le travail là où il se fait, dialoguer avec les salariés et repérer ensemble les situations à risque. Plus vivant qu’un simple formulaire, le Gemba Walk favorise l’échange, la compréhension et la détection de risques réels.
Pour en savoir plus, voir notre article : [Gemba Walk et prévention : observer pour mieux agir]
4.5. L’astuce pratique pour commencer
- Ne cherchez pas l’exhaustivité dès le départ. Commencez par les 3 à 5 risques les plus évidents dans votre entreprise.
Exemple :
- Dans une boulangerie : brûlures, manutention des sacs de farine, risque routier pour les livraisons.
- Dans une PME de bureau : stress, travail sur écran, chute de plain-pied.
- Dans une entreprise de BTP : chute de hauteur, manutention, bruit.
Pour structurer vos actions, vous pouvez vous inspirer de méthodes issues du Lean Management, adaptées à la prévention :
le PDCA (Plan-Do-Check-Act) pour installer une logique d’amélioration continue,
le Kaizen, qui encourage les petits progrès quotidiens,
ou encore les 5S, pour sécuriser les postes en améliorant l’ordre et la propreté.
Ces approches simples permettent de transformer le DUERP en un véritable outil de progrès continu.
À lire aussi : [Lean & HSE : prévenir en produisant, produire en prévenant]
En les traitant en priorité, vous aurez déjà un DUERP crédible et surtout utile au quotidien.
L’important n’est pas de remplir un document parfait, mais de disposer d’un outil clair et vivant qui aide réellement à réduire les risques dans votre entreprise.
5. Le secret d’un DUERP efficace : le faire vivre
Beaucoup d’entreprises rédigent leur DUERP une fois… puis le rangent dans un classeur. Résultat : le document est “présent” en cas de contrôle, mais totalement inutile pour la prévention.
Un DUERP efficace n’est pas un document figé : c’est un outil qui vit avec l’entreprise.
5.1 Mettre à jour régulièrement
- Au minimum une fois par an : c’est la règle.
- Mais aussi à chaque changement important : arrivée de nouvelles machines, réorganisation d’un service, travaux dans les locaux, introduction de nouveaux produits, etc.
Exemple : si vous installez une nouvelle ligne de production, les risques changent. Votre DUERP doit être mis à jour immédiatement.
5.2 Partager avec vos salariés
Le DUERP ne doit pas rester sur une étagère. Montrez-le, expliquez-le, utilisez-le comme support de discussion.
- Présentez les résultats lors d’une réunion d’équipe,
- Affichez les mesures principales (plan d’action),
- Donnez la possibilité aux salariés de signaler de nouveaux risques.
En impliquant vos équipes, vous transformez un document administratif en outil collectif de prévention.
5.3 Intégrer dans le quotidien de l’entreprise
Le DUERP n’est pas une “photo annuelle”, c’est un fil rouge.
- Faites un point rapide sur les actions en cours à chaque réunion mensuelle,
- Intégrez les risques identifiés dans les formations sécurité,
- Utilisez-le pour préparer vos entretiens annuels ou vos projets (ex. : nouvel atelier, nouveau chantier).
En résumé : un DUERP qui vit, c’est un DUERP qui protège vos salariés, sécurise votre entreprise, et prouve que vous êtes un dirigeant responsable.
🔎 Être attentif aux signaux faibles
Un bon DUERP ne se nourrit pas uniquement d’accidents déclarés ou de risques visibles. Il doit aussi intégrer les signaux faibles : ces petits indices qui révèlent un risque avant qu’il ne devienne un problème majeur.
Quelques exemples concrets :
Des salariés qui plaisantent sur “la vieille échelle bancale” mais continuent de l’utiliser.
Une augmentation des arrêts courts (mal de dos, fatigue, troubles du sommeil).
Des tensions ou non-dits dans une équipe qui laissent deviner un risque psychosocial.
Des micro-événements répétés : presque-accidents, petits incidents sans gravité, matériel abîmé.
👉 En intégrant ces signaux dans votre DUERP, vous anticipez les problèmes et vous montrez que votre démarche est proactive, pas seulement réactive.
6. Conclusion : un outil simple pour une prévention durable
Le DUERP n’est pas une contrainte administrative de plus. C’est un outil de pilotage qui vous aide à protéger vos salariés, à sécuriser votre activité et à réduire vos coûts cachés.
Pour une TPE ou une PME, il représente un vrai atout :
- il démontre votre sérieux en cas de contrôle,
- il améliore la confiance et l’engagement de vos équipes,
- il vous permet d’anticiper plutôt que de subir les accidents ou les problèmes de santé.
Et n’oubliez pas : le texte officiel ne vous demande pas de remplir des grilles avec douze critères techniques. Il dit seulement ceci : chaque employeur doit évaluer les risques de son entreprise et les retranscrire dans un document unique. Cela signifie que le DUERP doit être le reflet de votre réalité, pas un document standardisé trouvé sur internet. Un copier-coller n’apporte aucune valeur — au contraire, un DUERP imparfait mais propre à votre activité sera toujours plus crédible et plus utile.
👉 Mon conseil : commencez dès aujourd’hui par un inventaire simple des risques évidents dans votre entreprise, notez-les dans un tableau, et enrichissez votre DUERP année après année. C’est ainsi que vous en ferez un outil vivant, utile et durable.
7. Pour aller plus loin
Si vous souhaitez approfondir le sujet du DUERP et trouver des ressources pratiques, voici quelques liens utiles :
- INRS – DUERP : Document unique d’évaluation des risques professionnels : la page officielle de référence, avec explications et documents pratiques.
- OiRA – L’outil en ligne gratuit de l’INRS pour les TPE/PME : un générateur de DUERP interactif, simple et adapté à plusieurs secteurs.
- Ameli – Le DUERP et la prévention des risques professionnels : un point de vue complémentaire avec conseils pratiques pour les employeurs.
- CARSAT – Modèles et guides pour rédiger votre DUERP : exemples de grilles et d’outils terrain.
👉 Ces ressources sont gratuites, fiables, et régulièrement mises à jour. Elles vous permettront d’aller plus loin dans la mise en place ou l’amélioration de votre DUERP.